Jean Ruch, co-dirigeant de FAMILLES SOLIDAIRES revient sur la genèse du projet d’habitat senior de Schleithal. Découvrez son interview !
Par quel hasard avez-vous atterri à Schleithal ?
Le hasard des rencontres associatives et l’ambition de la Clé des Champs m’ont attiré vers le plus long village d’Alsace ! Avant tout, ce qui m’a motivé, ce sont les valeurs portées par Catherine et les membres de l’association, et l’envie de pouvoir vieillir au village. Lorsque l’on vieillit, le processus amène progressivement à dégrader le lien social par les effets de l’âge, comme la perte de mobilité, la surdité, les troubles de la mémoire… Lorsque j’atteindrais 70 ou 80 ans, j’espère avoir le choix le plus longtemps possible de l’endroit où je vivrais et où je mourrais, sans devoir quitter mon logement parce que j’ai des troubles de l’équilibre, pour rassurer mes proches. Et si je suis confronté à la dépendance, j’aimerais vraiment que mes proches n’aient pas à subir une situation difficile, qu’ils aient, en concertation avec moi, le choix entre différentes solutions (accessibles financièrement). Une personne du village, au détour d’une rencontre les mois derniers, me disait qu’elle avait du faire face à la dépendance de plusieurs de ses proches, et que les gens n’avaient qu’à faire pareil : assumer. Si ceci était si simple et si mathématique. Parfois les ruptures familiales font que des personnes âgées sont seules, souvent l’emploi guide les choix de vie des familles et provoque des éclatements géographiques. Parfois aussi on a pas ou plus la force d’accompagner, et parfois les personnes concernées refusent l’aide proposée… Le temps du village a changé, la société aussi. A nous de construire des solutions complémentaires pour créer les conditions d’un choix. A chacun de faire sa part dans la construction du monde de demain.
Quel est votre parcours et quels sont les objectifs de Familles Solidaires ?
Ce qui m’a amené à m’investir dans ce secteur d’activités si spécifique, c’est les aléas de l’existence, et la découverte au quotidien de ce que pouvait impliquer le handicap. La découverte aussi de la chape de plomb que portent les aidants familiaux, culpabilisés parfois de ne pas tout assumer, perdus dans la jungle des procédures. Une réalité silencieuse que j’ai découvert au travers de rencontres d’aidants, de parents, de conjoints, et d’enfants, tous très préoccupés du devenir de leur proche. Il est urgent d’imaginer d’autres choix pour les personnes « extraordinaires ». Et tout le monde sera concerné un temps dans sa vie.
Quelle est la particularité du projet de Schleithal ? C’est un peu une première ?
C’est une première pour FAMILLES SOLIDAIRES, pour plusieurs raisons :
– une première en milieu rural, avec le pari que les solidarités rurales compenseront pour partie l’absence de services organisées (transports à la demande par exemple)
– une première dans la construction, FAMILLES SOLIDAIRES ayant jusqu’alors acheté sur plan.
– une première technologique, que ce soit sur le développement durable (géothermie et façade bois, avec plafonds radiants et rafraîchissants pour l’été) ou la domotique.
On entend parler d’ « Habitat Inclusif » qu’est-ce que cela veut dire au juste ?
L’habitat inclusif ce sont des projets à destination de personnes en perte d’autonomie (handicap, avancée en âge et maladie) qui choisissent de vivre ensemble en mutualisant une partie de leurs ressources, et surtout la présence d’aide humaine pour les aider dans la vie quotidienne. L’habitat inclusif, c’est un chez soi, où l’on est décideur et locataire.
Ça vient d’émerger au travers de la loi ELAN de Décembre 2018. Pour mieux vous représenter ce que c’est, traversons le Rhin : l’habitat inclusif s’appelle les Wohngemeinschaft en Allemagne et il y en a plus de 5000 qui accueillent des personnes touchées par Alzheimer ou en situation de handicap, Des logements regroupés à taille humaine (10 à 12 habitants) sur un pallier ou dans une maison, en colocation ou dans des appartements contigus avec des espaces communs. En France le modèle démarre tout juste et il y a urgence à trouver des solutions face au vieillissement de la population française. Pour nos proches et bientôt pour nous.
Quel est le moment dans un projet que vous aimez le plus ?
Ce qui me porte dans un projet, c’est la confiance de nos actionnaires. Quand au détour du courrier vous découvrez la confiance que des épargnants vous font en vous confiant 100€ ou 10 000€, quand vous vous rendez compte que les territoires se mobilisent là où parfois les solutions « modélisées et éprouvées » laissent beaucoup de personnes sur le bord de la route, c’est le moment où nous pensons que notre travail est utile socialement pour toutes et tous.
Quel est le moment de cette construction que vous attendez le plus ?
La première bière dans la salle de la Clé des Champs, au frais, avec toutes les personnes qui nous ont soutenu…Et l’emménagement des futurs locataires !
Découvrez également l’article paru dans le Fil des Ans, où Catherine Tête évoque également les origines du projet d’habitat de Schleithal ! Cliquez ici